Antton Rouget
Journaliste
DES BENEFICES RECORDS POUR LES FONDS DE PENSION

Le patronat français engrangent des dividendes records

En 2016, les entreprises françaises les mieux côtées en bourse ont versé des dividendes records à leurs actionnaires, dignes des niveaux enregistrés avant l’explosion de la crise des subprimes en 2007. Cette masse financière n’est pourtant pas réinjectée dans ces mêmes entreprises, les dividendes bénéficiant à 90% à des fonds de pension étrangers

Et si la violente crise économique qui a touché le monde à partir de 2007 n’avait servi à rien ? Au lendemain du début de l’explosion de la crise des subprimes aux Etats-Unis, les responsables de gouvernements européens avaient promis plus de régulation, de transparence et de volontarisme contre la finance folle. Or, près d’une décennie plus tard, il est peut dire que rien n’a radicalment changé. Ce lundi, la lettre d'information financière Vernimmen.net a même révélé que les entreprises du CAC40 – regroupant les cent entreprises dont les échanges sont les plus abondants à la bourse de Paris–ont engrangé des dividendes records.

Les actionnaires de ces grandes entreprises ont en effet reçu l’an dernier près de 55,7 milliards d’euros en dividendes et rachats d’actions. Une situation quasi-inédite depuis la crise financière, explique le quotidien économique, le montant s’approchant des 57,1 milliards distribués en 2007 (le record post-crise date de 2014, avec 56 milliards).

Bien plus que les 43 milliards versés en 2015 alors même que les entreprises, qui certes «vont mieux», ne sont «pas» dans «une forme éblouissante», précise Vernimmen.net. A titre d’exemple, en 2009, ces mêmes actionnaires n’avaient touché que 35,30 milliards d’euros.

Dans le détail, on retrouve sur le podium des multinationales les plus généreuses le groupe pharmaceutique Sanofi (6,66 milliards d'euros de retour aux actionnaires), l’entreprise énergétique Total (5,9 milliards) et du groupe de télécommunications Vivendi (5,57 milliards).

Derrière, la banque BNP Paribas a alloué 2,877 milliards d'euros à ses actionnaires, contre 5 milliards en 2007, avant la crise.

Pire, «les dividendes distribués par le CAC 40 au titre de 2016 pourraient encore progresser, au vu de la hausse de 11% des profits au premier semestre», explique le journal économique Les Echos.

Ces profits ne seront pourtant pratiquement pas réinjectés dans l’économie française. 75% des sociétés du CAC 40 sont en effet détenues majoritairement par des actionnaires étrangers. Un problème renforcé par le fait que les fonds de pension et autres investisseurs institutionnels (qui engrangent à eux seuls 90% du montant total des dividendes versés) représentés au capital des entreprises du CAC 40 réinvestissent les bénéfices des entreprises dans des opérations où les perspectives de rentabilité sont bien plus prometteuses, privilégiant notamment des placements financiers que l’investissement dans ces propres sociétés.

Ce bilan est de toute évidence en grande partie celui de la gauche de gouvernement. Au pouvoir depuis 2012, le parti socialiste avait fait campagne pour son élection en promettant de s’opposer fermement au «monde de la finance».

Mais, au lendemain de son élection à la présidence de la République, François Hollande a multiplié les cadeaux au patronat. Le fait le plus notable étant l’instauration du CICE (crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi), avantage fiscal de 40 milliards d’euros pour les entreprises françaises sans réel contreparties. Dans une étude rendue publique ce mercredi, le ministère du Travail a même fini par reconnaître lui-même que le CICE n'a pas eu «d'effet significatif [...] sur la dynamique des salaires de base depuis 2013». Le gouvernement a également rapidement tourné le dos aux réformes bancaire et de régulation de la finance annoncées, et a renoncé de manière incroyable à s’enganger contre l’évasion fiscale.

Il en est ainsi de la société Engie, ex-GDF Suez, société nationale de gaz, côtée au CAC40 et dont l’Etat français est le principal actionnaire avec un tiers du capital. Engie est aujourd’hui dans le viseur de la Commission européenne pour avoir, à travers un système de holdings révélées par la presse française, bénéficié d'un avantage fiscal de la part de Luxembourg à hauteur de 300 millions d'euros.