Antton Rouget
Journaliste
ÉLECTIONS LÉGISLATIVES

État d’urgence et loi travail : les priorités de la nouvelle Assemblée

En surfant sur un mode de scrutin qu’il a jadis contesté, le président Emmanuel Macron va bénéficier d’une Assemblée nationale toute à sa botte. Les sondages lui donnent une majorité historique à l’issue du second tour des élections législatives ce dimanche. De quoi réformer vite malgré les mobilisations à venir du mouvement social

Le raz-de-marée promet d’être des plus spectaculaires. Selon les dernières projections à la veille du second tour, les candidats de La République en marche, le nouveau mouvement du président Emmanuel Macron, pourraient rafler dimanche entre 440 et 470 des 577 sièges de la future Assemblée nationale.

Premier groupe d’opposition probable, la droite et le centre sont relégués loin derrière avec 70 à 90 parlementaires. Viennent ensuite les forces de gauche (20 à 30 députés pour le PS, une dizaine pour la gauche radicale) puis le Front national, toujours handicapé par le mode de scrutin (uninominal à deux tours).

Fort de cette majorité absolue d’une ampleur historique –dans un pays qui refuse toujours l’introduction d’une dose de proportionnelle aux législatives– l’exécutif aura dès cet été toute la lattitude nécessaire pour imposer ses réformes de choc.

C’est notamment le cas de la déjà très contestée refonte du code du travail. Au printemps 2016, la loi travail de la ministre socialiste Myriam El Khomri avait jeté des millions de manifestants dans la rue pour l’un des plus durs mouvement social du quinquennat Hollande. Et bien, le projet souhaité par Emmanuel Macron s’apparente à une loi travail XXL. Primauté des accords d’entreprise sur les accords de branche négociés avec les syndicats notamment pour les questions de salaires, plafonnement du montant des condamnations dans le cadre des contentieux salariés-entreprises, organisation de référendums pour dépasser les syndicats, ... : les éléments dévoilés dans la presse ces derniers jours laissent à penser que l’exécutif prépare dès cet été un véritable big bang social.

Conscient que ses réformes n’emportent pas l’adhésion d’une large majorité de la population (les dernières enquêtes donnent un 50/50), Emmanuel Macron compte dégainer une redoutable arme législative pour passer en force. Le gouvernement d’Edouard Philippe souhaite en effet réformer le code du travail par ordonnances, c’est-à-dire sans discussion préalable au Parlement. Doté d’une large majorité La République en marche, ce dernier dernier autorisera le gouvernement à légiférer, pendant un an sans passer par le Parlement.

«Il s’agit d’un coup d’Etat démocratique», a vivement contesté la centrale syndicale Solidaires (proche de la gauche radicale). Réuni en congrès cette semaine, Solidaires a appelé à «engager sans attendre la bataille pour le code du travail» à travers «une mobilisation large et unitaire dans la rue, dans les entreprises et les administrations». Mais cet appel n’a pour l’instant pas rallié les autres organisations réformistes. Déjà engagé dans les discussions sur la loi Travail de El Khomri, la CFDT souhaite s’engager dans la concertation avec l’exécutif. FO aussi. La CGT est elle dans une position délicate, prise en étau entre une partie de sa base favorable à quelques réformes et une autre rejetant en bloc la philosophie même des propositions du gouvernement.

Fort d’une Assemblée nationale toute à sa solde, Emmanuel Macron souhaite également faire entrer des dispositions de l’Etat d’urgence dans le droit commun. C’est notamment le cas de la permission donnée aux préfets de solliciter des perquisitions administratives sans le verrou du pouvoir judiciaire. Censée prévenir les attentats, cette mesure n’a jamais démontré son efficacité. Pire : elle a permis de perquisitionner les domiciles de militants écologistes lors des mobilisations de la COP21.

Là encore, le décalage paraît immense entre les réactions de l’opinion et la composition du futur Parlement. Ce dernier, totalement dévoué au nouveau chef de l’Etat (au moins dans un premier temps), votera sans doute comme un seul homme une réforme qui fait hurler l’ensemble des organisations de défense des droits de l’Homme. De quoi augurer de mobilisations mouvementées devant les grilles de l’Assemblée.