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ÉLECTIONS LÉGISLATIVES

Emmanuel Macron centralise encore un peu plus sa majorité

À la faveur des départs de quatre poids lourds de son premier gouvernement, le nouveau président de la République a opéré son premier remaniement. Une semaine après sa large victoire aux élections législatives, Emmanuel Macron en a profité pour installer des technocrates et des proches à certains postes clés. De quoi verrouiller le quinquennat.


S’il est une qualité que l’on ne peut pas enlever à Emmanuel Macron, c’est à l’évidence celle de réussir à tirer profit de n’importe quelle situation, même les plus critiques.

Un mois après la nomination du premier gouvernement du Premier ministre Edouard Philippe, la démission précipitée par les affaires de quatre poids lourds de l’exécutif aurait en temps normal plongé le sommet de l’Etat dans une grave crise politique. Cette fois, non seulement Emmanuel Macron a réussi à échapper à la polémique, mais il est en plus en passe de parvenir à retourner la situation à son avantage en annihilant tout possibilité de contestation interne et en centralisant un peu plus l’exécutif autour de sa personne.

Le coup est pourtant d’une violence rare pour le nouveau gouvernement. Élu sur des promesses de renouvellement du personnel et des pratiques de la classe politique, Emmanuel Macron avait donné pour priorité le vote d’une loi de moralisation de la vie politique. Las, c’est le ministre censé porté le projet devant le Parlement qui est aujourd’hui rattrapé par les affaires. Un comble, digne du précédent de Jérôme Cahuzac, l’ancien ministre des Finances de François Hollande, qui prétendait lutter contre l’évasion fiscale tout en disposant lui-même d’un compte bancaire non-déclaré en Suisse.

En tant que président de Modem, François Bayrou est soupçonné d’avoir pallié aux difficultés financières du parti en faisant passer une partie de sa masse salariale sur les enveloppes dévolues aux assistants parlementaires de ses eurodéputés. Depuis la diffusion d’une première enquête sur les ondes de la radio publique début juin, des nouveaux noms d’assistants parlementaires potentiellement fictifs apparaissent régulièrement dans les médias. Le parquet national financier (juridiction spécialisée sur les affaires politico-financières créée après l’affaire Cahuzac) avait également ouvert une enquête. Un tourbillon auquel Bayrou ne pouvait clairement plus résister.

Après avoir proposé de démissionner dès l’ouverture de l’enquête judicaire, le Garde des sceaux a finalement jeté l’éponge mercredi matin. Sa position était intenable, surtout depuis que la démission, la veille, de Sylvie Goulard, ex-ministre des Armées. Ancienne députée européenne, cette dernière est soupçonnée d’avoir salarié le directeur de cabinet de M. Bayrou, lequel n’aurait en réalité jamais travaillé pour elle. Sa décision a aussi été fatale à la secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, Marielle de Saernez. Cette cheville ouvrière du fonctionnement du Modem, qui a également siégé au Parlement européen, a finalement quitté son poste mercredi.

Ces trois départs s’accompagnent de celui de Richard Ferrand, éphémère ministre de la cohésion des territoires. Ce très proche de Macron est mis en cause dans une incroyable manoeuvre immobilière ayant rapporté 500.000 euros à sa compagne. Une enquête judiciaire a été ouverte. Ferrand a donc a quitté le gouvernement... mais pour mieux rebondir à la présidence du groupe majoritaire à l’Assemblée nationale.

C’est qu’Emmanuel Macron s’attache à méthodiquement verrouiller tous les leviers de pouvoir. Ancien conseiller puis ministre de François Hollande, le président sait mieux que quiconque à quel point son prédécesseur a souffert des divisions nées à l’intérieur de son propre camp. Dénonçant les orientations libérales et sécuritaires du couple Hollande-Valls, une partie des parlementaires socialistes étaient en effet rapidement entrés en résistance dès les premiers mois du quinquennat.

La démission de François Bayrou peut en ce sens représenter une aubaine pour le nouveau président. En à peine quelques semaines d’exercice, le ministre de la Justice s’était en effet attaché à montrer que son expérience et son poids politique lui conféraient une liberté de parole. M. Bayrou avait par exemple fait entendre ses divergences quant aux conditions d’inscription de dispositions de l’Etat d’urgence dans le droit commun.

Les profils des remplaçants de Goulard, Saernez et Bayrou – des technocrates à la faible surface politique –révèlent qu’Emmanuel Macron a cette fois clairement privilégié la stabilité. De même, le remaniement ministériel permet l’entrée de plusieurs fidèles du chef de l’Etat, à l’image du jeune député Benjamin Griveaux, chargé de «contrôler» les deux ministres issus des rangs de la droite au ministère de l’Économie.

Ces nominations stratégiques s’accompagnent de l’entrée en fonction de la nouvelle Assemblée nationale. Une Assemblée franchement renouvelée qui fait enfin entrer un nombre conséquent de femmes (40% des élus) ou de personnes issues de l’immigration. La nouvelle chambre n’en reste pas moins celle des classes aisées (aucun ouvrier n’y siège alors que l’hémicycle sera dominé par les cadres et chefs d’entreprise) mais aussi celle de l’inexpérience.

Dans une assemblée dominée par les élus de La République en marche - le mouvement d’Emmanuel Macron dispose seul une majorité absolue - les craintes sont ainsi grandes de voir le rôle du Parlement réduit à celui d’observateur zélé des actions du gouvernement. Ne restera alors que peu de voies de blocage des politiques ultra-libérales du nouveau gouvernement.