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MORALISATION DE LA VIE POLITIQUE

Le gouvernement avance à tâtons pour «moraliser» la vie politique

En présentant son projet de loi de moralisation de la vie politique, le nouveau gouvernement Macron vient d’ouvrir l’immense chantier de la lutte contre la corruption, les conflits d’intérêts et le clientélisme. Des mesures phares ont été annoncées par le ministre de la Justice M. Bayrou. Mais tout reste encore à faire pour assainir le débat démocratique.


Le chantier est enfin lancé! Au terme d’une campagne électorale marquée par les scandales politico-financières, le nouveau gouvernement d’Emmanuel Macron vient de présenter son tant attendu projet de loi de moralisation de la vie publique. Un chantier aussi immense qu’impérieux qui a pour objectif de rétablir la confiance entre les citoyens et leurs représentants, dont les comportements ne cessent de provoquer l’ire de l’opinion publique. Ce jeudi, le Garde des sceaux François Bayrou a présenté le projet-phare de ce début de quinquennat en listant un catalogue de mesures importantes –représentants de réelles avancées– même si le chemin vers l’assainissement de la vie démocratique semble encore bien long.

Quelques semaines à peine après le déclenchement de l’affaire Fillon, le ministre de la Justice a ainsi présenté plusieurs propositions visant à accroître le contrôle des activités parlementaires. les ministres, les parlementaires et responsables d’exécutifs locaux n’auront plus le droit de recruter des membres de leur famille comme collaborateurs. Une petite révolution tandis que l'Assemblée avait rémunéré 52 épouses, 28 fils et 32 filles de députés pour la seule année 2014, selon le décompte du site d’information Mediapart. Un autre dossier promet de faire trembler les petites habitudes du Palais-Bourbon: celui de l’indemnité pour frais de mandat (5 300 euros d'IRFM versés chaque mois aux députés sans le moindre contrôle sur leur usage réel). François Bayrou a annoncé que les frais se rembourseront désormais «au réel» sur la base de «présentation de factures».

Le ministre propose aussi un meilleur encadrement –sans pour autant vouloir les interdire– des activités de conseil des sénateurs et députés. Exercées en parallèle de leur mandat électif, ces dernières sont souvent à l’origine de conflits d’intérêts.

Enfin, il envisage la suppression pure et simple de la réserve parlementaire, enveloppe dont dispose chaque député ou sénateur pour financer des activités associatives qui renforce par sa nature même le clientélisme.

Tandis que plusieurs partis ou candidats (le FN, Nicolas Sarkozy,...) sont mis en cause pour le financement de leurs campagnes, François Bayrou a aussi promis un «choc de confiance» pour mieux encadrer ces questions. Les comptes de campagne seront désormais certifiés par des magistrats de la Cour des comptes et non plus par des commissaires aux comptes sélectionnés par les partis eux-mêmes. En écho aux scandales des emprunts russes du Front national, le projet de loi prévoit aussi l’interdiction pour les mouvements politiques d’emprunter de fonds auprès de personnes morales étrangères (entreprises, banques, etc.), à l’exception des banques européennes.

Le gouvernement Macron s’attaque aussi à un des plus gros privilèges de la Constitution. La Cour de justice de la République (CJR) est une juridiction spécialisée seule habilitée à juger les ministres pour des actes dans l’exercice de leurs fonctions. Elle est composée à parité de magistrats et de parlementaires et débouche très réguliérement sur des décisions dignes des arrangements les plus scandaleux. Il en est ainsi de la condamnation de l’ancienne ministre Christine Lagarde, actuelle présidente du FMI, reconnue coupable de négligence dans l’affaire Tapie mais dispensée de peine. Cette semaine, c’est l’ancien Premier ministre Edouard Balladur qui a été mis en examen par la CJR dans le cadre de l’énorme dossier Karachi 23 ans après les faits. D’autres ministres –à l’instar de M. Alliot-Marie– attendent paisiblement que cette Cour spéciale décide de les juger, ou non. Sauf, si M. Bayrou décide d’aller au bout de ses promesses: son projet de loi propose en effet (comme l’avait fait M. Hollande) la suppression de la CJR. De quoi injecter un minimum d’égalité dans une République à bout de souffle.