Les autorités françaises n'ont pas fait dans le détail. Depuis les attentats de Paris du 13 novembre, les perquisitions se propagent à une vitesse folle sur tout le territoire.
L'état d'urgence permet aux forces de l'ordre de fouiller logements et locaux associatifs sans décision préalable d'un juge motivant cette intervention.
À Paris, en banlieue mais aussi dans de nombreuses villes de région, près de 793 adresses ont été perquisitionnés en une semaine. 793! Et ce commentaire plein de lucidité d'un internaute: « Soit depuis janvier [et les attentats de Charlie Hebdo, ndlr] on n'a rien fait, soit on fait n'importe quoi depuis le 13 novembre». La réponse est dans l'interrogation...
Dans les rues de Paris, l'heure est encore à la consternation. D'un point de vue émotionnel, la capitale a vécu son «11 septembre». Des hommes surarmés, faisant irruption dans des lieux grands publics, qui cherchent à faire le plus grand nombre de victimes: le mode opératoire est rarissime dans l'Hexagone. L'ampleur du massacre aussi: 130 morts. Le lieu des opérations renforce l'abattement: les djihadistes ont espéré un carnage au Stade de France avant de mitrailler les rues festives des X et XIe arrondissements. Qui ne connaît pas une amie, un parent ou un collègue qui a trainé ses baskets et englouti quelques pintes de bières là-bas un vendredi soir?
«Alors que faire?», trotte depuis une semaine dans les têtes. «Comment garantir la sécurité des lieux publics?», «Le risque zéro existe-t-il?», «Peut-on renforcer le renseignement sans toucher aux libertés?».
Les politiques ne se sont pas encombrés de ce genre de questions. Après les discours martiaux de F. Hollande, M. Valls, N. Sarkozy, M. Le Pen, etc. –tous à mettre dans le même sac en cette semaine d'«unité nationale»–, l'Assemblée nationale a voté comme un seul homme jeudi le prolongement de l'état d'urgence sur tout le territoire de trois mois. Seuls six députés de gauche (sur 557) ont osé affronter les vents contraires pour s'opposer au texte.
Le Sénat, majoritaire à droite, devrait soutenir la loi qui sera promulguée au plus vite, la semaine prochaine. Le projet de loi renforce les décisions administratives –dépendant du Ministère de l'Intérieur– au détriment du judiciaire.
Les perquisitions administratives se poursuivront même si, précise la loi, elles devront se dérouler en présence d'un officier de police judiciaire et après avoir informé le procureur. S'ouvre aussi la possibilité de dissoudre les associations qui «participent, facilitent ou incitent à la commission d'actes portant une atteinte grave à l'ordre public». Une définition très large aux multiples possibilités d'interprétation. Le régime des assignations à résidence est également élargi à «toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre public». La suspicion quant au «comportement» entre ici dans la loi, avec toutes les dérives que l'on peut imaginer. «Une rupture avec les principes fondamentaux de notre droit moderne» a tenté d'alerter la députée MRC (gauche souverainiste) Marie-Françoise Bechtel.
Mais, l'heure n'est pas au débat. Tel un bulldozer lancé à l'encontre d'une opinion encore choquée, Valls et Hollande écrasent principes et libertés fondamentales. Peu importent les dégâts. Après la prolongation de l'état d'urgence, Hollande planche déjà sur d'autres mesures dans le cadre d'une révision de la Constitution. Une annonce qui «relève moins de l’utilité juridique que de l’effet politique» selon certains juristes.
Face aux interrogations, des députés de gauche, gênés aux entournures, ont rassuré en rappelant le caractère provisoire des mesures annoncées. Alors que la menace de Daech est jugée permanente, on se demande bien comment le gouvernement va pouvoir justifier le retrait de ces dispositions fin février, à la fin de l'état d'urgence.