Antton Rouget
Journaliste
ÉLECTIONS LÉGISLATIVES

L’Assemblée nationale à la veille d’un vaste chambardement

Tandis que se tient ce dimanche le premier tour des élections législatives, l’Assemblée nationale s’apprête à vivre un vaste chambardement avec l’entrée de centaines de nouveaux députés. Ces derniers sont relativement jeunes, souvent nouveaux en politique, mais aussi issus des mêmes catégories sociales et des mêmes grandes écoles

Le changement de génération, c’est maintenant! Un mois après l’élection surprise d’Emmanuel Macron, 39 ans, à la présidence de la République, les électeurs français sont appelés aux urnes ce week-end à l’occasion du premier tour des élections législatives. Si l’incertitude demeure encore sur l’ampleur de la victoire promise au mouvement En Marche! qui a porté Macron à l’Elysée, une chose demeure en revanche certaine : ce nouveau scrutin marque l’avénement d’une nouvelle phase de la vie politique française.

Basculement vers une nouvelle génération, domination de nouveaux profils d’élus, recomposition des partis politiques : plusieurs critères montrent que les fondations qui ont structuré le système politique de la Ve République sont en passe de se renouveler. Aucune certitude, en revanche, que ce changement augure une réelle modification des comportements.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes, et révèlent une rupture qui traverse tous les courants politiques. Au moins 220 députés sur 569 élus sortants ont fait le choix de ne pas se représenter pas lors des prochaines élections législatives. Cela représente environ 37% des sortants contre des moyennes autour de 17% lors des précédents scrutins.

Certains parlementaires, touchés par l’application de la loi sur l’interdiction du cumul des mandats, ont préféré laissé l’Assemblée nationale pour conserver leur mairie ou la présidence de leur département. D’autres, par peur d’une défaite électorale en fin de carrière, ont préféré annoncer une retraite anticipée.

Un phénomène qui accélère le renouvellement du personnel politique : les sortants ne représenteront à coup sûr pas la majorité de la future assemblée.

Car à ce renouvellement naturel s’additionne l’émergence de nouveaux partis politiques : la France insoumise et En Marche!, arrivés respectivement 3e et en tête de l’élection présidentielle. Le premier présente –mené par Jean-Luc Mélenchon, élu dans les rangs de la gauche depuis 30 ans– présente tout de même 94% de candidats n’ayant aucun moyen local. 63% d’entre eux sont d’ailleurs encartés dans aucun parti.

Largement favori des sondages, le parti d’Emmanuel Macron revendique lui seulement 24 parlementaires sortants (5% de ses candidats) pour une moyenne d’âge totale de 46 ans, contre 60 ans pour l’assemblée actuelle.

Cette mutation a ringardisé en un temps record les partis traditionnels. Les Républicains comme le Parti socialiste s’efforcent subitement de mettre en avant de nouveaux visages Dans leurs clips de campagne. Mais le message sonne faux, tant ces partis incarnent le système politique sclérosé que les électeurs souhaitent balayer.

S’ils sont plus jeunes et souvent neuf en politique, les futurs députés d’En Marche! ne représentent par contre pas un renouvellement des profils sociologiques. Signe de l’uniformatisation des parlementaires par l’effet de la professionnalisation à outrance de la vie politique, le nombre de députés originaires des classes populaires a considérablement chuté depuis 30 ans. Et ce n’est pas la vague de nouveaux parlementaires du mouvement d’Emmanuel Macron qui va inverser cette donne.

Plusieurs enquêtes publiées ces derniers jours révèlent que le profil des centaines de représentants d’En Marche! est relativement endogame.

Les grandes écoles et formations «élitistes» pèsent fortement dans les profils de ces candidats. Les cadres, chefs d’entreprises et professions intellectuelles sont ainsi surreprésentés au détriment par exemple des ouvriers (un candidat identifié sur 525 candidats).

Nombre d’avocats conseil ou lobbyistes sont aussi en p0asse d’entrer à l’Assemblée nationale, nourrissant les doutes des associations anti-corruption. Ces dernières réclament d’urgence des nouveaux moyens de contrôle sur le Parlement pour que ce changement vitrine ne soit pas que l’assurance-vie d’un vieux monde politique.